Pour commencer l’année, nous vous conseillons la lecture stimulante du livre d’Eva Illouz, les sentiments du capitalisme. L’auteur prend à contre-pied la thèse selon laquelle le capitalisme développe seulement une rationalité instrumentale et froide. Terreau de sentiments, le capitalisme est devenu émotionnel et mobilise le moi, l’intime, le for intérieur.
Reprenant l’histoire de l’école des relations humaines et en particulier des expériences de Mayo, elle montre que lorsque la psychologie et la psychanalyse, dans sa version américaine, se sont introduites dans l’entreprise, le manager a à apprendre & comprendre les émotions de ses collaborateurs et y répondre. La citation de Mayo sur l’écoute est un morceau d’anthologie à lire absolument.
Le succès sourit alors aux émotionnellement compétents. Ce qui suppose une gamme de procédure pour gérer ses émotions.
Ce travail émotionnel concerne particulièrement les couches moyennes qui tout à la fois contrôlent et sont contrôlées par d’autres, qui doivent coopérer et travailler en équipe en démontrant leur créativité, leur implication, leur efficacité.
À ce titre, Eva Illouz souligne la profonde ambivalence de cette évolution dont elle note les effets positifs en termes de réalisation de soi. Elle craint néanmoins que nous participions à une forme de rationalisation de l’émotion en la réduisant à une compétence instrumentale qu’il convient de gérer. À chacun d’y veiller et l’écriture alerte d’Eva Illouz nous y invite.
Eva Illouz. Les sentiments du capitalisme. Le Seuil 2006.